Pourquoi ce Blog

Nous passions le Dimanche au village, à Passa, chez mes grands-parents, et plus que la campagne, si belle dans les Aspres, le fidèle vélo qui m’attendait ou la liberté que j’avais là-bas, ce sont les odeurs de cuisine respirées dans l’escalier de la petite maison de la rue de la Tramontane que j’attendais avec le plus d’impatience.

Passé le seuil, je savais quel plat allait nous régaler. Odeurs d’ouillade, de petits pois au jambon, de boles de picolat, de pintade au citron ou de canard aux olives, la devinette était toujours savoureuse, et jamais nous ne nous trompions mon frère ou moi.

Aujourd’hui ce sont mes fils et leurs cousins qui se lancent le même défi tout juste arrivés dans la cage d’escalier qui mène à l’appartement de mes parents. Ils ne se trompent jamais eux non plus et salivent à l’avance de leur découverte, se précipitant pour être le premier à annoncer la trouvaille à ma mère qui se réjouit de leur sagacité et entretient ce jeu subtil de semaine en semaine, comme un précieux trésor…

Nous vivions au rythme du jardin de mon grand-père qui donnait saison après saison le ton de la cuisine familiale, agrémentée de la cueillette sauvage et occasionnelle d’asperges, d’oronges, de girolles ou de cèpes. Aubergines, petits pois, artichauts, choux, courgettes, tomates, pommes de terre, carottes, haricots, posaient les bases des compositions savantes et originales de ma grand-mère et de ma mère à mesure que l’année s’écoulait. Les poules et les lapins élevés dans la « paraguère » toute proche, le cochon tué par l’ami boucher du village, n’étaient qu’accompagnements des merveilleux légumes.

Et lorsque le jardin n’a plus existé, c’est mon père qui a pris le relais en faisant ses tournées, tôt le matin, au marché de la place de la République ou de la rue Paratilla baptisée par nous « rue des Olives ».

Enfants nous avons participé à tout cela, toujours dans les toutes premières heures de la journée, réveillés par pépé Jean pour aller au jardin ou aux vendanges après un solide petit déjeuner fait de boudin, de « cambajou » et de tartines frottées à l’ail, ou sortis du lit par mon père pour l’accompagner dans sa quête du meilleur produit, celui qu’il sera le premier à acheter au marché ou à cueillir dans la campagne sauvage. Trouver un beau champignon, aller chercher les œufs encore chauds sous la paille, voir mon grand-père raidir un lapin avec sa canne, assister à son dépeçage, au « déplumage » de la volaille ou à la saignée du cochon, autant d’images de mon enfance, parfois violentes, mais si précieuses tant elles semblent aujourd’hui oubliées…

C’est donc de tout cela dont il est question dans ce blog fait d’odeurs, de goûts, de savoir-faire, d’amour et de générosité.

Jean-Louis Maso